Depuis plus de vingt ans, ce qu’il est convenu d’appeler « l’affaire Omar Raddad » empoissonne l’esprit public, non seulement en France, mais aussi dans le Maghreb, où elle apparaît comme une tache dans la réputation de notre pays.
Pour tous, la France, héritière d’une forte tradition des droits de l’homme, est aussi le pays de la justice. Or cette justice à laquelle chacun aspire comme à un droit légitime, et qui fait partie non seulement de notre tradition, mais de l’honneur de notre génie national, ne semble pas avoir été rendue. Sinon comment expliquer l’émoi et l’espoir que suscite le moindre fait nouveau qui ravive le doute sur une condamnation hautement symbolique. Si elle fait vibrer une corde sensible, c’est qu’elle touche un homme seul, démuni, doublement défavorisé, par sa situation sociale autant que par le soupçon de racisme qui pèse sur un jugement contestable dans le fond, mais aussi dans la forme : Omar Raddad a été condamné à dix-huit ans de réclusion « avec les circonstances atténuantes », ce qui, étant donné l’atrocité du crime, les nombreux sévices subis par la victime, Mme Ghislaine Marchal, n’a positivement aucun sens, sinon celui de manifester une grande hésitation de la part des jurés, qui ont longuement délibéré avant de se résoudre à le condamner. Preuve manifeste du doute qui pèse sur cette condamnation, les huit ouvrages qui, depuis vingt ans, ont été consacrés à cette affaire après mon propre livre, Omar : la construction d’un coupable [Editions de Fallois, 1994]. Celui-ci mettait en lumière…